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"S'il suffisait de s'asseoir sur les jambes repliées, toutes les grenouilles seraient mystiques."
PAUWELLS, Louis. Ce que je crois, Grasset / La Presse

 

Vous avez besoin de la méditation, beaucoup plus que vous ne le pensez…

La méditation est un état, comme l'état de veille ou le sommeil. Un état tout à fait naturel qui vous est déjà pour ainsi dire familier. Vous méditez sans le savoir mais pour méditer vraiment, il faut devenir conscient de cet état et se familiariser avec une technique qui permette de l'atteindre.

Méditer

 

À l'étape actuelle, afin de ne pas s’accrocher dans les fleurs du tapis, il faut déspiritualiser cette pratique et se dire qu’elle se définit d’abord aux plans physique et psychique et non pas spirituel. Pour ceux qui souhaitent atteindre le plan spirituel, je précise qu'il existe une interaction entre les plans : en agissant aux plans physique et psychique, on rejoint nécessairement le plan spirituel. Mais il est préférable de passer par le physique : être bien dans son corps; et par le psychique : être bien dans sa tête.

C’est que la démarche est soustractive. Je m’explique :

  • Ce que vous cherchez ultimement se trouve déjà en vous.

  • Ce qui vous empêche de l’atteindre, qui fait obstacle, c’est le mental.

Le mental, c’est le bavardage dans la tête. Cette forme de délire ininterrompu que les Hindous appellent l’âne ivre. Pour saisir la puissance de l’obstacle à surmonter, il faut tenter, ne serait-ce qu’une minute, d’en apaiser le fonctionnement, de le suspendre un tant soit peu. C’est que le mental cherche à s'imposer : " J'ai oublié de téléphoner... Il faut que je remette ma liste, demain matin... Je n'arriverai jamais à finir cette lettre... "

 
" La plupart d'entre nous ne pouvons nous empêcher de penser constamment; nous nous parlons à nous-mêmes. Si je parle tout le temps, je suis incapable d'écouter ce que les autres ont à dire. Exactement de la même manière, si je pense tout le temps, en d'autres termes si je me parle tout le temps, je n'ai rien à quoi penser - sinon des pensées. Je vis donc entièrement dans l'univers des symboles, et je n'entre jamais en contact direct avec la réalité. Je veux avoir ce contact direct avec la réalité: telle est la raison d'être fondamentale de la méditation. "

WATTS, Alan. L'envers du néant, Médiations.

 
Je médite depuis plus de vingt-cinq ans. Je m'en porte bien, mais je ne marche pas encore sur les eaux...

Pour commencer à méditer, le plus difficile aura été de surmonter le mot " méditation " qui charrie un contenu culturel très lourd; et de m'y mettre une première fois... Au lieu de lire, de faire un appel urgent, de couper le gazon… Si quelqu'un était entré dans la pièce et m'avait surpris en train de méditer, j'aurais éprouvé la même gêne que si j'avais été en train de me masturber ! Le rapprochement n'est pas si farfelu: la méditation, c'est un moment où on se retire du monde, où on se replie sur soi, où on s'appartient.

Un jour, tout à fait par hasard, un gourou (un authentique Swami, tout ce qu'il y a de plus initié) arrive chez moi. Alors que je rêvais, à cette époque, d'accéder à de hautes initiations, d'un chemin de Damas avec fanfares, d'une illumination genre Las Vegas, il m'enseigne cette vérité toute simple qu'un être doit chaque jour se couper du monde extérieur et se consacrer à lui-même un peu de temps, fermer les yeux, faire la paix, le silence... Tout est là !

 
Les bénéfices de la méditation

La méditation a fait l'objet de nombreuses études scientifiques. Les bienfaits de cette pratique ne sont plus à démontrer. On a même comparé la méditation à la relaxation proprement dite, à la détente – comme de demeurer assis à ne rien faire pendant vingt minutes – et ce, toujours à l'avantage de la méditation.

Les effets bénéfiques ont été scientifiquement démontrés dans les cas d'hypertension, d'ulcères, d'anxiété, de stress... Par ailleurs, on observe pendant la période de méditation une diminution de la présence d'acide lactique dans le sang associée aux états d’anxiété, un taux d'adrénaline moindre, de même qu’une prolifération des ondes alpha en regard d'une diminution d'émission des ondes bêta.

Ma technique – une parmi d’autres!

Méditer, c'est parvenir à un état d’équilibre entre deux opposés : la relaxation et la concentration qui sont aussi complémentaires. Je me représente la relaxation comme l'aspect passif, l'eau ; et la concentration comme l'aspect actif, le feu. Pour atteindre à l'état de méditation, il faut parvenir aux noces alchimiques, le mariage des opposés complémentaires. C’est la Voie du Milieu.


La posture

S'asseoir dans un lieu calme. De préférence toujours le même. Mais il ne faut pas en faire un impératif : il est bon, au contraire, de s'entraîner aussi à méditer dans n'importe quelle condition. Avec les années, je parviens à méditer dans un hall de gare à l'heure de pointe!)

Que ceux qui peuvent s’asseoir dans la position dite du demi-lotus l’adoptent. Cette position offre de nombreux avantages dont celui de redresser la colonne vertébrale. Sans compter que cette position apporte à la pratique de la méditation une allure de rituel. Mais que ceux qui, comme moi, n’y parviennent pas ou difficilement s’en tiennent à s'asseoir sur une chaise droite, la colonne vertébrale redressée au niveau de la cinquième lombaire. Comme un cavalier sur sa monture. Et en gardant la tête bien droite, le menton légèrement enfoncé. Ce sont les deux seuls points de tension : à deux niveaux de la colonne vertébrale, celui de la cinquième lombaire et celui de la vertèbre supérieure. Le reste du corps demeure le plus détendu possible.

J’ai trouvé récemment une chaise de travail dont le destin pourrait en faire l’objet susceptible de favoriser la méditation en Occident. Il s’agit d’une chaise sans dossier, destinée surtout, à ce qu’on me dit, aux usagers de l’ordinateur, et constituée de deux points d’appui, l’un pour les genoux et l’autre pour redresser la colonne vertébrale.

Puis, on dispose les mains sur les cuisses devant soi, l’une dans l’autre, la droite dans la gauche, les paumes tournées vers le haut et les pouces qui se touchent formant pour ainsi dire un ovale, sans être tournées ni vers le bas, ni vers le haut. On peut aussi déposer simplement les mains sur les cuisses. Pour ce qui est des yeux : on peut les garder fermés – ce qui présente l’inconvénient d’entraîner la somnolence ; ou à demi-fermés, réduisant ainsi l’acuité de la vision (la forea centralis) pour favoriser la vision périphérique, ce qui revient à voir plutôt qu’à regarder.


La relaxation

Il existe plusieurs techniques de relaxation. Je tiens la mienne de mon chien. Il commence toujours par une respiration profonde : une longue inspiration abdominale suivie d'une expiration légèrement forcée, accompagnée d'un relâchement de la tension musculaire. On peut aussi s'aider en repassant mentalement les parties du corps : détendre les doigts, la main, l'avant-bras... Il faut défaire les nœuds, surtout au niveau du plexus solaire et porter une attention particulière aux muscles du visage. Il existe entre la tension des muscles et la tension psychique un rapport évident.


La concentration

La concentration consiste à contrôler l'attention. Le plus souvent l’attention est éclatée : sensations, émotions, images, souvenirs, pensées… Il s’agit de concentrer l'attention sur un point : un seul objet de concentration ou une succession d’objets qu’il faut bien contrôler.

Quant à moi, je préconise une pratique qui s’inspire (de la première étape) du Vipassana bouddhiste.

Une fois la posture maîtrisée, on observe la respiration – abdominale, toujours! et avec l’accent sur l’expiration ; puis on prend conscience des sensations tactiles (température, courant d’air, position des membres, etc.); puis, on s’attache aux bruits : autour de soi et de plus en plus loin. Au cours de cette démarche, l’attention est d’abord active pour devenir passive, jusqu’à être l’attention du témoin qui observe à distance.


Après un moment, le mental va pourtant refaire surface. Il faut alors regarder défiler les pensées, etc., comme on observerait des nuages traversant le ciel. Il s'agit de maintenir l'éveil, d'être attentif, conscient, de ne pas se laisser entraîner - envahir, submerger par le mental prenant ainsi ses distances par rapport au monde extérieur pour en venir à s'identifier à l’Observateur, à ce qui Est en chacun de nous. Mais sans vraiment chercher à l’atteindre. Plus on cherche à l’atteindre, plus il s’éloigne, mais éventuellement, dans les meilleures conditions, lorsque les obstacles du mental sont levés, le SOI – qui, somme toute, n’est jamais bien loin – finit par émerger, ne serait-ce que l’espace du vide entre une inspiration et une expiration, ou encore dans le vide entre deux pensées. Si le raisonnement que je viens de tenir vous revient pendant la méditation, c’est que vous n’y êtes pas. Où ça ? Au-delà du mental. Sans pensées, sans émotions... Dans le vide.


 

" La méditation est découverte que le but est déjà là, dans le moment présent. "

WATTS, Alan. L'envers du néant . Médiations


La méditation vise à atteindre un ici-maintenant.

Mais la méditation n'a besoin ni de raison ni de but. Alan WATTS compare la méditation à la musique : quand on fait de la musique, ce n'est pas pour atteindre un certain point qui serait, par exemple, la fin du morceau. Si tel était le but de la musique, le meilleur exécutant serait le plus rapide... Quand nous faisons de la musique, c'est la musique qui est sa propre fin.

Il en va de même pour la méditation qui est une façon de se plonger dans le présent; de jouir d'un éternel présent. Car la méditation doit être une occasion de joie.

 

Pour des gens comme vous et moi, la méditation doit plutôt s’entendre comme une ascèse physique et psychique, qui aide à se prendre en main. C'est une pratique que je recommande à toute personne qui estime qu'une amélioration de 10 à 20% de son fonctionnement mérite de s’y investir.

Les autres, ceux qui attendent un miracle, doivent rester au Prozac...

Prozac®: thérapeutique à visée antidépressive qui a été surnommé "pilule du bonheur".


Ce propos de Jacques Languirand a fait l'objet d'un article
paru dans le magazine Boomers, automne 1998. P.56-57.


Source du texte: http://radio-canada.ca/par4/