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Cette technique consiste à élargir l'attention à l'ensemble de ce qui est perçu, donc à ce qui est vu plutôt que de la restreindre à ce qui est regardé. Autrement dit, pour employer un langage plus technique, il s'agit de dissocier l'attention de la vision restreinte assurée par la fovea centralis (et, relativement, par la macula oblongata) pour l'investir dans le champ visuel élargi, en fonction de la vision périphérique. Je connais, pour l'avoir pratiquée, la technique inspirée du Vipassana (technique bouddhique de méditation) qui consiste, pendant la marche ralentie, à être attentif au moindre mouvement du corps. Mais j'étais à la recherche d'une technique qui permettrait, pendant la marche normale, d'apaiser le fonctionnement du mental, de favoriser la conscience du corps de même que la présence à soi. |
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La perception au niveau de la fovea et de la macula est assurée par les cônes qui permettent de percevoir la forme et les couleurs; alors que la perception au niveau de la vision périphérique est assurée par les bâtonnets qui permettent de percevoir le mouvement. Ce dernier point est important dans la mesure où la perception du mouvement n'est pas que visuelle mais aussi de nature spatiale, donc associée à l'expérience tactile. La vision périphérique contribue donc aussi à se percevoir dans l'environnement. Les différents niveaux de perception visuelle font l'objet d'un collage par le cerveau, ce qui donne l'impression d'une expé-rience unifiée. Comme on le voit, il s'agit d’une question complexe. Je ne vais retenir pour la suite de cet exposé que les informations démontrant la différence entre la perception visuelle assurée par la fovea (et la macula) – regarder – et celle qui est assurée par la vision périphérique – voir. Afin de bien saisir cette différence, il est capital d'en faire soi-même l'expérience. Je vous suggère donc de constater
Telle est, en somme, la différence entre regarder – vision restreinte et voir – vision élargie. Et telle est, par ailleurs, la différence au niveau de l'expérience visuelle entre l'attention active – regarder; et l'attention passive – voir. Regarder est donc associé à l'attention active; voir, à l'attention passive.
Je viens d'en faire encore une fois l'expérience. J'ai d'abord levé les yeux pour regarder une fleur qui se trouve dans un vase sur ma table de travail; puis, sans cesser de regarder cette fleur, j'ai élargi le champ de mon attention en fonction de la vision périphérique, de façon à voir d'un côté la porte et de l'autre la fenêtre, devenant ainsi conscient – mais au sens anglais de "aware" – de la totalité du champ visuel.
Or, chaque fois que j'élargis ainsi le champ de l'attention, passant de l'attention active à l'attention passive, je constate :
Élargir le champ de l'attention en fonction de la vision périphérique représente donc, à toutes fins utiles, une technique de méditation. |
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Une expérience de biofeedbackIl y a quelques années, un ami neurologue m'a invité à faire une expérience de biofeedback dans son laboratoire. Cette expérience m'a permis de constater que, lorsqu'on passe de l'attention active (regarder) à l'attention passive (voir), les ondes émises par le cerveau vont du tracé bêta, associé à l'état d'éveil et à la conscience ordinaire, au tracé alpha, associé à la relaxation, à la méditation et à la créativité. Raccordé à un électroencéphalographe (EEG), je devais m'entraîner à exercer un contrôle sur les états favorables à l'émission d'ondes alpha par le cerveau. L'expérience consistait à identifier ces états afin de pouvoir ensuite les recréer, suscitant ainsi à volonté l'émission d'ondes alpha. Après avoir fait les expériences habituelles : fermer les yeux, me relaxer, suspendre le fonctionnement du mental..., avec le résultat escompté, je me suis mis à modifier le champ de mon attention, les yeux fermés mais comme s'ils étaient ouverts, passant ainsi de l'attention active, correspondant à la vision restreinte de la fovea, à l'attention passive, correspondant à la vision périphérique. Or, chaque fois que mon attention corres-pondait au champ élargi de la vision périphérique, mon cerveau émettait surtout des ondes alpha – ce qui était dans l'ordre des choses puisque j'avais les yeux fermés; mais chaque fois que mon attention correspondait à la vision restreinte de la fovea – et bien que j'eusse les yeux fermés – mon cerveau émettait surtout des ondes bêta... Voulant pousser plus loin l'expérience, je me suis alors appliqué à restreindre et à élargir alternativement le champ de l'attention, mais cette fois les yeux ouverts. Le résultat de cette variante me parut encore plus significatif : bien que rien ne permît aux observateurs de constater une modification au niveau de mon attention, allant de l'attention active à l'attention passive, autrement dit, passant de la vision restreinte de la fovea au champ élargi de la vision périphérique, mon cerveau émettait davantage d'ondes alpha. J'en conclus que, même si on a les yeux fermés, lorsque l'attention correspond à la vision restreinte de la fovea, le cerveau émet davantage d'ondes bêta; mais que, par ailleurs, même si on a les yeux ouverts ou, de préférence, entrouverts, lorsque l'attention correspond au champ élargi de la vision périphérique, le cerveau émet davantage d'ondes alpha. Ce qui revient à dire que le fait d'émettre des ondes bêta ou alpha ne découle pas seulement de ce qu'on a les yeux ouverts ou fermés; mais qu'il est possible de modifier les tracés, selon que l'attention est active ou passive, et ce, que l'on ait les yeux ouverts ou fermés... Cette expérience de biofeedback m'a donc appris qu'il est possible d'émettre des ondes alpha les yeux ouverts, et encore davantage les yeux entrouverts, à la condition d'élargir l'attention en fonction de la vision périphérique. Ce qui revient à dire que, ce faisant, on se trouve en état de méditation. C'est sur cette observation que repose la technique de méditation en marchant que je suggère. En résumé, il s'agit de voir plutôt que de regarder, en élargissant le champ de l'attention en fonction de la vision périphérique; et de garder ainsi l'attention passive. |
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De la pratique du ZAZEN...Dans la pratique de zazen – la méditation dans la tradition du bouddhisme zen – on accorde la plus grande importance à la posture qui, à une étape, devient l'objet même de la concentration. La méditation prend alors appui sur la conscience du corps dans l'environnement, une expérience essentiellement tactile. Je crois nécessaire de rappeler ici que le sens du toucher est complexe par définition : il comprend, entre autres, le sens musculaire qui permet de percevoir la position du corps, autrement dit de se percevoir dans l'environnement. |
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... à la tradition des arts martiauxJ'ai aussi trouvé la confirmation de cette observation dans les arts martiaux. La différence entre voir et regarder est même l'une des règles du Bushido définies par le grand Maître japonais Miyamoto Musashi, dont il nous est sans doute possible, parvenus à cette étape de notre démarche, de mieux saisir la portée.
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Telle est, en somme, la technique de la méditation en marchant. |
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Une technique de rappel à soiCela nous amène aux techniques de rappel à soi de George I. Gurdjieff, qui visent à éveiller la conscience d'être. Car nous sommes rarement conscients de nous-mêmes. Le plus souvent, nous nous définissons au niveau de la conscience ordinaire, sans être conscients d'être. Aux techniques de rappel à soi qu'on trouve d'ailleurs non seulement chez Gurdjieff mais, comme je devais aussi le découvrir, dans d'autres écoles de sagesse, je suggère d'ajouter celle que j’ai tenté de définir dans cet exposé. En résumé, cette technique peut se ramener à la formule que j'ai proposée au début : dissocier l'attention de la vision restreinte de la fovea (regarder) et l'investir dans le champ élargi de la vision périphérique (voir). J'estime, pour en avoir souvent fait l'expérience, qu'elle est d'une très grande efficacité... à propos d'efficacité, il est peut-être utile que je parle brièvement, en terminant, du rôle de la respiration. Je suggère, au moment d'élargir l'attention à la vision périphérique, d'inspirer lentement, puis d'expirer plus rapidement. L'inspiration favorise la concentration, alors que l'expiration entraîne souvent une diffusion de l'attention. Comme en témoigne un des principes de la lecture rapide : on retient mieux... ce qu'on inspire! C'est la raison, du moins je le suppose, pour laquelle, dans certaines pratiques méditatives, celle de zazen en particulier, on demande de mettre plutôt l'accent sur l'expiration – afin sans doute de compenser la tendance à la diffusion de l'attention, parvenant ainsi à une concentration plus égale. Mais il demeure que chaque fois qu'on a du mal à concentrer son attention, il faut s'appuyer sur l'inspiration, le temps de reprendre le contrôle de la concentration, pour ensuite s'appuyer au contraire sur l'expiration, ce qui rend la concentration plus stable. Voir, c'est la technique de méditation que j'associe plus particulièrement à la marche, mais qui trouve aussi à s'appliquer à peu près à toutes les situations de la vie. |
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source du texte: http://radio-canada.ca/par4/tran/med_march.htm | |||