Il n’y a pas de barbe à papa spirituelle (UG Krishnamurti)

Être sa propre autorité
 

Je n’ai aucun désir de libérer qui que ce soit de quoi que ce soit. Sauf au niveau matériel. C’est la seule réalité. Puisqu’il n’y a pas de barbe à papa spirituelle, qu’il n’y a rien de spirituel, vous arrivez alors à la réalité de la « chose ». Vous n’êtes plus pris dans « raison et tort », « vrai et faux », « bon et mauvais ». C’est sans doute la seule différence entre vous et moi. Je ne suis pas pris dans raison/tort, vrai/faux, bon/mauvais.
Vous savez, je n’ai pas réussi à libérer qui que ce soit de quoi que ce soit ! Voilà pourquoi j’assure qu’il n’y a pas de libération, qu’il n’y a rien dont on doive se libérer.
Pensez-vous que je sois dingue au point de croire que je vais libérer un quelconque individu ? Que ce que je vais dire va aider qui que ce soit ? Une seule chose pourtant : si vous saisissez l’essence de ce qui est dit, vous serez moins embourbé.
Je ne tiens pas à libérer qui que ce soit de quoi que ce soit. Les gens ne s’intéressent qu’au confort. Avoir des maîtres religieux donne du confort, c’est tout. Le problème ici-bas est d’affronter !
Que veut dire « libéré » ? Je ne me sers jamais de ce mot. Il n’y a rien dont on doive se libérer.
Vous ne serez jamais dans mon « état ». Pourquoi vouloir être comme un autre ? Ce que vous êtes est unique. Il n’y a personne d’autre comme vous sur cette planète.
Pourquoi vouloir autre chose ?
Tant que la pensée est là, ce mouvement qui cherche à comprendre – il n’y a rien à comprendre – vous recommencerez encore et encore la même chose. La clarté d’esprit, seule, est tout ce qui est nécessaire.
Placez-vous au coin de la rue, et regardez les passants ; chacun, homme, femme et enfant, marche différemment ; la manière dont ils bougent leurs jambes, leurs mains…je peux les regarder pendant des heures. Je ne m’en lasse jamais. Parce que je vois combien ils sont tous différents. Malheureusement, ils essaient de s’imiter les uns les autres. La nature ne se sert pas d’un  modèle.
Ce que vous êtes est quelque chose d’unique, d’extraordinaire. Il n’y a personne comme vous, nulle part sur la planète. Je vous le dis ! Nous voulons tous être autre chose que ce que nous sommes actuellement.
La nature ne s’intéresse pas à produire deux créatures semblables, elle ne crée que l’unique. Pas de modèle.
Si vous regardez les choses, il n’y en a pas deux pareilles. Vous pouvez trouver qu’elles se ressemblent, mais en réalité il n’existe pas deux choses semblables. Même deux jumeaux. Mêmes les feuilles du même arbre.
Nous mettons devant nous un plaisantin qui dit qu’il est illuminé ! Que quelqu’un ait expérimenté les jungles indiennes et qu’il nous transmette son expérience, et alors nous, à notre tour, avec l’aide de nos pensées, nous expérimentons les mêmes choses. Ce sont des expériences, rien de plus ! Donc, voilà le modèle que nous avons mis devant nous, et nous travaillons tellement dur pour ressembler à cet autre !
Je fus élevé dans un environnement de maîtres spirituels de toutes espèces, à tous niveaux. Mon seul intérêt fut dès le départ de prouver qu’ils se trompaient eux-mêmes et trompaient l’humanité.
Je n’étais pas sûr de moi, mais une certitude en moi me disait qu’il n’y avait RIEN.
Tous les maîtres spirituels, depuis toujours, ont été des entubeurs, pour les autres et pour eux-mêmes.
Pourquoi devrais-je me raconter des histoires ? Qu’ils trompent l’humanité, mais pas moi ! Je ne suis pas un sauveur.
Ca m’a flanqué un tel coup quand je me suis rendu compte qu’ils m’avaient tous trompé ! Ils m’avaient fourvoyé. Je me suis senti largué. Mais ma tourmente était que je ne savais pas comment cracher, vomir, évacuer tout cela de mon système.
J’étais convaincu que Bouddha était le pire embobineur que le monde ait jamais vu, et verra jamais. Il n’y est pas arrivé, il a échoué. C’est lui qui a créé la renonciation, il n’y avait pas de renoncement avant. Il a commencé le sangha, la prêtrise, et il refusa l’admission de femmes. Quel bâtard ! Par la suite il fut obligé de les accepter.
Si l’enseignement est faux, c’est que les maîtres sont faux. C’est la raison pour laquelle j’ai dû tout rejeter en bloc. Certes, j’ai pratiqué ce que disent les livres. J’ai étudié le vedanta pour ma maîtrise, mais je l’ai rejeté par la suite, car il n’y a rien dedans.
Que l’Inde produise des gens comme moi puis les proclament « illuminés » est la preuve qu’il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans cette contrée.
Une fois que vous mettez votre confiance en un enseignant, et croyez que cet enseignant a les réponses justes, c’est pour vous le début de vos problèmes.
Gandhi était un rigolo. Je le connaissais bien. Je les connaissais tous !
Une chose que je dois dire à son crédit, c’est qu’il pratiquait ce qu’il prêchait, bien que ce soit idiot, sans aucun sens…pas du tout comme les autres !
Il commença un mouvement qui finit par une énorme violence et il a avoué avoir fait une gaffe himalayenne ! Au bout de trois mois, il recommençait. Ce qui s’acheva encore par de la violence. Et vous lui demandiez : « Mais pourquoi recommencez-vous ? » « Parce que la vie est une série de compromis », répondait-il.
Pourquoi nous racontons-nous des histoires ? J’ai toujours été sûr que Bouddha était un entubeur de première ! Il s’est fait avoir lui-même, ensuite il a entubé l’humanité entière !
Pourquoi est-ce que je m’entube moi-même ? Voilà ma question. Je  me fous de l’humanité, qui suis-je pour m’occuper de l’humanité ? Personne ne m’en a donné mission.
Mon intérêt est tout d’abord de ne sauver personne. Qu’ils volent ou qu’ils tuent, ils ont mes vœux pour aller crever en enfer. Je ne lèverai pas le petit doigt. Les sauver de qui et de quoi ? Et en plus, qui m’en donnerait l’autorisation ?
Je ne trouve rien à reprocher à ce monde ! Tout est là, pourquoi n’être pas capable de l’accepter tel quel ? C’est votre problème. Pourquoi y mettre vos morales possessives ? Pourquoi le condamner ? Je ne suis aucunement en conflit avec cette société ; elle ne peut être différente.
On ne sait rien de la vie ! Cette connaissance qu’on apprend a pour but de s’améliorer et de se changer en autre chose que ce que vous êtes ; on parle de l’art de l’écoute, de l’art de voir, de l’art d’apprendre. Il n’y a pas d’art de vivre, du tout ! Parce que c’est la vie, et que ça n’a besoin de personne ; ça a une intelligence extraordinaire !

 

 

 U.G Krishnamurti