"L’homme
doit être sauvé des « sauveurs de l’espèce humaine ».
Vous êtes plus unique, plus extraordinaire que tous
ces saints et ces sauveurs ensemble."
Dès qu’on laisse tomber la question : « Comment
vivre » ? La vie elle-même devient l’essentiel. Vous ne pouvez pas,
bien entendu, la rejeter en bloc – par exemple renoncer au bain du matin. Mais
c’est si simple ! – Moi aussi je prends mon bain – y a-t-il là un problème
religieux ? Mais vous pensez qu’il y a quelque chose de plus intéressant
que ce que vous êtes en train de faire.
Si cette idée est flanquée en l’air ce que vous faites devient très très intéressant.
La soi-disant réalisation du soi est la découverte par
vous-même et pour vous-même qu’il n’y a pas de soi à découvrir.
J’ai découvert qu’il est inutile de tenter de découvrir la
vérité. La recherche de la vérité est absurde, c’est là ce que j’ai découvert
parce que c’est une chose que vous ne pouvez capturer, contenir et formuler.
A mon sens, l’état naturel ne comporte aucune préparation
préalable ni
sadhana, ni méditation.
Vous ne pouvez pas devenir un sage au moyen d’une sadhana : ce n’est pas à votre
portée. Un sage ne peut avoir aucun disciple, aucun successeur parce qu’il ne
s’agit pas d’une expérience à partager (l’expérience ordinaire elle-même ne
peut être partagée par d’autres). Pouvez-vous expliquer à quelqu’un qui n’a
jamais eu d’expériences sexuelles à quoi ressemble une telle expérience ?
L’homme doit être sauvé des « sauveurs de l’espèce
humaine ». Les religieux se trompent et trompent l’ensemble des humains.
Jetez-les dehors ! C’est cela le vrai courage et non le courage que vous
entendez pratiquer.
L’intrépidité n’est pas la libération des phobies qui sont
essentielles à la survie de l’organisme. Vous devez craindre et les sommets et
les abîmes sinon vous risquez de tomber.
Il est très difficile de vous faire saisir l’absurdité de
toute sadhana.
Un vrai maître n’encourage jamais les pratiques de sadhana car il sait bien que si ce genre
de chose doit arriver à quelqu’un c’est que cette personne n’aura besoin
d’aucune aide extérieure : cela arrivera en dépit de tout.
En réalité tout ce que vous faites bloque l’arrivée de
l’état naturel. Cette formulation est d’ailleurs une source d’erreur parce que rien n’arrivera.
Vous ne vous rendez pas compte que tout ce que vous faites
est une activité égocentrique. Tout ce que vous faites dans n’importe quelle
direction ne parvient qu’à renforcer et à dévier le processus. Toute sadhana est une activité égocentrique.
Un tel phénomène est acausal. C’est une « saut
quantique ». Il n’y a pas de lien entre départ et arrivée. Vous me situez
de l’autre côté du fleuve que vous voulez traverser en bateau. Le bateau fait
eau et vous sombrerez : il n’y a pas
d’autre rive, pas de fleuve à traverser, pas de bateau… Vous avez créé une image et vous l’avez
située de l’autre côté : « Non, de grâce ! Je suis sur la
même rive que vous ! Il n’y a pas de fleuve à traverser, aucun pilote
n’est nécessaire ! » Personne ne peut vous guider.
Tout ce que vous faites pour vous purifier n’a aucun sens et
le bavardage purificateur ne vous servira à rien.
Il peut faire de vous un saint mais il ne peut pas même
effleurer l’autre état. Ce genre de chose n’intervient que dans les espèces
dégénérées (comme disent les biologistes).
Ainsi donc votre moralité, votre manie de pratiquer ceci et
cela et tout le bazar, n’a aucun sens.
Pourquoi vouloir
ressembler
à l’homme nouveau ? Afin de faire passer la torche d’une main à l’autre et
maintenir une structure hiérarchique ? Mais dans quel but ? La
faculté de suivre est une qualité animale. L’homme ne sera pas vraiment un
homme aussi longtemps qu’il suivra quelqu’un d’autre. La culture est
responsable de ce comportement animal – le chien de tête suivant quelqu’un…
Vous voulez être une minable imitation de Bouddha ou de
Shankara. Vous ne
souhaitez pas être vous-même. Pourquoi ? Je vous le répète : vous
êtes plus unique, plus extraordinaire que tous ces saints et ces sauveurs
ensemble. Pourquoi devenir une fade imitation de l’un de ces types. Cela relève
du mythe. Shankara est mort depuis des siècles.
Vous avez en vous-même le même potentiel que lui. La première chose
à faire est de laisser tomber Shankara. Mais bien entendu si vous utilisez
l’enseignement de Shankara pour gagner votre vie, c’est une autre paire de
manches…
« L’illumination », s’il existe quelque chose de
tel, n’est pas une expérience…c’est la réalisation qu’il n’y a rien à réaliser,
pas de réalisation du soi. C’est un coup fracassant…
Vous dites que la sadhana
est indispensable à votre accomplissement. Je maintiens qu’il n’y a rien à
accomplir, rien à atteindre et que tous vos efforts n’ont pas de sens. Je ne
l’avais pas compris moi-même quand je pratiquais cette sadhana. Plus tôt cette évidence se fera jour en vous, mieux vous
vous en trouverez.
Rien malheureusement ne peut vous arriver.
Âtman est Brahman signifie exactement
cela : le Brahman que vous souhaitez pour l’avenir est déjà là et rien
d’autre n’arrivera. « S’accomplir » est dans le temps et donc pris
dans l’engrenage de cause à effet. Vous cherchez un résultat mais
l’état naturel n’est pas un résultat, un
événement, un accomplissement.
Tout ce que vous pouvez faire avec cette volonté vous fera
souffrir…La recherche de moksha – libération – est duhksha – la souffrance et
c’est même la duhksha des duhkshas – la souffrance suprême (Rire). Ca n’a pas
de fin. Vous cherchez éternellement…en vain…il vous faut toujours plus de
béatitude, plus de silence – du silence en permanence.
Vous pouvez passer toute votre vie en présence de l’homme
que je suis…et rien n’arrivera.
Vous avez adopté l’approche négative parce que votre
approche positive se révélait frustrante. Vous avez l’impression qu’il y a une
distinction entre les deux mais l’approche soi-disant négative s’est fixé un
but positif : vous cherchez une réussite, un accomplissement ; vous
voulez atteindre Dieu sait quoi ? L’état de non-connaissance par
l’approche négative.
La soi-disant recherche négative est en fait, elle aussi,
positive. Il ne peut y avoir d’approche et il n’y a rien à faire.
Vous ne pouvez être autre que ce que vous êtes. Quels que
soient vos efforts de changement, vous ne réussirez pas. Cessez de vous évader
de vous-même. Mais à quoi sert de vous le dire ? Vous n’allez pas arrêter
votre course. Je vous dis de l’arrêter mais vous êtes incertain et vous dites :
« Il y a peut-être quelque chose à faire ? ». Je suis certain,
moi, que vous n’avez aucune liberté d’action. Je vais donc faire un pas de plus
et vous dire que vous êtes génétiquement contrôlé.
Vous me direz naturellement que cette affirmation est une théorie. Vous avez
quelque espoir de pouvoir agir. Il y a dans le « sacré business » des
gens prêts à vous assurer que vous pouvez faire quelque chose ; vous irez
donc les trouver – c’est simple comme bonjour ! Ma certitude demeure. Vous
la qualifiez de théorie. Bon ! Allez tenter votre chance. Et finalement
vous découvrirez pour vous-même et par vous-même : « Ce petit copain
a raison ». Et moi, je fais mon tour de chant, et je passe…
En ce qui me concerne, c’est très clair. Tant de gens ont
dit qu’il leur est possible de vous aider ! Vous feriez bien d’aller les
trouver et de tenter votre chance. Mais je tiens à ajouter l’avertissement
réglementaire (comme celui qui figure sur les paquets de cigarettes !) « Vous n’allez rien obtenir de personne
parce qu’il n’ya rien à obtenir ».
C’est pourquoi je répète que puisqu’il n’existe rien de tel
que l’illumination, la question de savoir si X ou Y est ou non illuminé ne se
pose pas !
La « Compassion » c’est l’un des trucs du « sacré
business ». C’est du boniment de camelot ! Vous n’êtes pas appelé à
changer le monde !
Je ne m’intéresse pas au changement de société. Ce que je
dis n’a absolument aucun contenu social. Qu’est-ce qui ne va pas dans le monde ?
Pourquoi voulez-vous le changer ? Il est extraordinairement beau. Si vous
tenez à le changer c’est afin de vivre dans un monde conforme à vos idées
personnelles. Le vrai problème c’est que vous souhaitez votre propre
transformation et, découvrant que c’est une tâche impossible, vous voulez
changer le monde pour l’ajuster à un modèle de votre conception.
Plus de sang a été versé au nom de celui qui a dit : « Aimez-vous
les uns les autres » que dans l’ensemble des dernières guerres. Les peuples
luttent, se querellent. Vous voulez être bon, gentil, innocent et toutes ces
fadaises – vous voulez être différent, mais toujours à terme : c’est
toujours pour demain, pour après-demain…ou pour l’après-vie. L’après-vie !
Il n’y a pas de voyage.
L’un et l’autre s’abusent, celui qui vous fait faire ou qui fait semblant de
vous faire faire le voyage et celui qui le tente. Vous ne pouvez pas m’accompagner…Vous
avez trop peur des épines et de la pierraille. Il vous faut un guide entraîné.
Et moi je ne connais pas le terrain. Je marche un point c’est tout.
Ce que vous considérez comme sacré, comme extraordinaire - la
Conscience de Bouddha, la Conscience du Christ, la Conscience de Krishna – est une
contamination dans votre propre conscience : elle doit se purifier de
toute cette crasse. Tout ce qui est saint,
tout ce qui est sacré doit disparaître.
Alors vous êtes vous-même. Sinon il y a une dépendance et vous faites une
expérience extraordinaire : vous créez une organisation qui va recueillir
vingt millions de dollars et publier des livres afin de transmettre votre
expérience - ce sont là de bien sottes
occupations !
Qu’est-ce qui vous amène à croire que vous êtes différent de
moi ? Je ne suis pas différent. Ce n’est pas possible.
Jamais je ne tromperais les gens en leur suggérant que je
pourrais leur donner quoi que ce soit. Je ne les prendrais jamais à l’hameçon
au moyen de quelque idée farfelue sur la pratique de « l’attention
indifférenciée », « l’identité de l’observateur et de la chose
observée » et tout autre genre de baratin.
Aucun secret n’est caché quelque part. Je n’ai rien à offrir
sinon la certitude que toute recherche, toute discussion philosophique sont
inutiles, qu’aucun dialogue n’est possible et que toutes vos questions comme
celles des autres ne peuvent avoir aucun résultat. Comprendre au sens où je l’entends
est un état d’être où les questions ne se posent plus.
Vous avez, toute votre vie, prêté l’oreille à d’autres ;
c’est la cause de votre infortune. Vous êtes unique, vous n’avez aucune raison de vouloir être semblable à un
autre type et, de toute façon, ce n’est pas possible. Le désir – désir d’écouter, désir de comprendre, désir d’être
identique à tel ou tel – est venu du fait que la société à intérêt à créer « l’homme
parfait ». Or ce parfait n’existe pas. Et c’est la votre problème. Tout ce
que nous pouvons faire est d’être nous-mêmes et sur ce plan aucun autre ne peut
nous aider.
Vous continuez d’écouter quelqu’un (peu importe qui) et vous
continuez d’espérer que d’une manière ou d’une autre – aujourd’hui ou le jour
suivant – à force d’écouter, vous parviendrez à sortir du manège de chevaux de
bois. Vous écoutez vos parents et, à l’école, vos professeurs. Ils vous disent
d’êtes sages et consciencieux, de ne pas vous mettre en colère et cela ne sert
à rien ; alors vous pratiquez le yoga et quelque vieux mec surgit et il vous dit d’être attentif et libre de tout choix. Mais il
ne peut pas vous aider. Ce n’est pas là une chose qui peut être saisie,
conservée, exprimée. Je ne sais si vous voyez l’impuissance absolue où vous
vous trouvez et le fait que si quelqu’un croit qu’il peut vous venir en aide,
il vous égarera inévitablement.
La vie n’a aucun commencement et aucune fin : c’est un
mouvement ininterrompu dont vous n’êtes qu’une expression – comme l’oiseau,
comme le ver, comme le nuage vous n’êtes qu’une expression de la vie.
Ce qui vous rend malheureux, c’est la recherche de ce qui n’existe
pas. Dans le même ordre d’idées, il n’existe rien de tel que l’illumination. Vous
me direz que chaque maître, que tous les saints et les sauveurs de l’humanité
ont affirmés des siècles durant que l’illumination existe et qu’ils sont
illuminés. Jetez-les à l’eau tous à la fois – je m’en fiche. Se rendre compte
qu’il n’y a pas d’illumination, c’est
cela l’illumination (Rire).
Quand vous verrez l’absurdité de votre effort peut-être vous
direz-vous enfin : « Que diable ai-je fait pendant trente, quarante
ou cinquante ans ! ».
Me faut-il vingt ans pour voir cette montagne ? Non !
Qu’arrive-t-il quand vous vous trouvez en face de ce que vous appelez une
montagne ? Vous n’en savez rien. C’est maintenant
que vous voyez ou jamais.
Tant que vous aurez le désir d’obtenir ou d’accomplir
quelque chose ou de devenir un
illuminé vous ne serez pas illuminé. L’illumination c’est précisément de
laisser tomber tout cela – c’est cela,
l’illumination (mais c’est là un mot que je n’aime pas employer).
La véritable barrière la voici : « Je ne veux pas être
obsédé par des pensées sexuelles mais je veux fermement être obsédé par la
pensée de la réalisation, de « l’illumination ». Vous pouvez estimer
qu’il s’agit là de quelque chose d’infiniment supérieur. En réalité c’est
exactement la même chose.
On ne tire rien des discours spirituels ou d’un livre religieux. C’est ce que j’essaie de
dégager à l’intention de ceux qui se soucient de m’écouter : il n’y a rien à accomplir, rien à attendre. Alors,
pourquoi tout ce raffut ? Que voulez-vous ? Que cherchez-vous ? Voilà
ma question. Si vous cherchez, si vous voulez quelque chose la première chose à
faire c’est de mettre au rancart hameçon, ligne, bouchon et tout ce fatras
auquel vous vous attachez, sinon vous n’avez pas la moindre chance d’être
vous-même
Si vous suivez une voie, quelle qu’elle soit, elle vous
égare…
Voyez-vous, la voie
cela implique que vous essayez de parvenir à une destination précise. Le mot « voie »
est un mot mystique. Quelle voie suivez-vous ? On vous dit par exemple « Voici la voie. Vous devez vous libérer du
conditionnement – voici la voie… »
Mais on vous égare. Cela ne vous mène à rien. Vous devez être vous-même et
la voie de cet autre tend à faire de vous quelqu’un d’autre que vous-même. Pourquoi
voulez-vous être un autre ? Si vous ne le vouliez pas, vous n’écouteriez
personne.
Ecoutez-moi bien. Vous vous dites : « Je veux être plein de bons sentiments ».
Quelqu’un, par exemple, parle d’amour. Vous voulez être plein de cet amour quel
qu’il soit. Vous ne comprenez pas un traître mot de ce que ce type là ou quelqu’autre
raconte…Alors vous faites une projection au
centuple de ce que vous croyez savoir de l’amour. Voilà, à titre d’exemple,
ce qui vous rend bien difficile d’être vous-même. Et ce que vous voudriez être,
c’est pour demain ou après demain…
Et si vous ne voulez aller nulle part, quel besoin avez-vous
de chercher une voie ?...
Ce sont des menteurs, des vantards, des truqueurs, des
tricheurs tous ceux qui prétendent avoir cherché et prêché la vérité. D’accord,
vous voulez découvrir par vous-même ce
qu’est la vérité. Pouvez-vous la découvrir ? La capturer, la conserver et
dire : « Voici la vérité ? « Que vous l’acceptiez ou la
rejetiez, il en va de même : elle dépend de vos préjugés et de vos
prédilections personnelles. Vous supposez qu’il existe une vérité, une réalité
(ultime ou non) – et c’est cette supposition même qui crée en vous le problème…et
la souffrance.
Y a-t-il une vérité ?
Vous êtes-vous jamais posé cette question à
vous-même ? Quelqu’ un a-t-il jamais dit la vérité ?
U.G Krishnamurti
http://lapiqreduscorpion.blogspot.fr/2013/01/un-enorme-feu-de-joie-2.html