L'amour parfait - Jeanne-Marie Bouvier de La Mothe-Guyon


L'amour parfait

Ah ! que tu sus bien m’engager !
Mon cœur ne saurait plus changer ;
Il ne trouve que toi d’aimable.

Tout le reste ne peut lui plaire :
Toi seul remplis tous ses désirs,
Tu lui donnes de saints plaisirs ;
Mais tu m’ordonnes de les taire.

Amour, tu répands dans notre âme
Quelque chose de si charmant,
Que tu fais aimer le tourment
Qu’on souffre en brûlant de ta flamme.

Tu consumes, tu purifies,
Tu détruis sans fin ton sujet :
Tu fais mourir, aimable Objet ;
Mais en tuant tu vivifies.

Avec quelles délicatesses
D’un amour pur, tendre et jaloux,
Viens-tu, mon adorable Époux,
Joindre la douleur aux caresses !

Si tu te caches à la vue
Ah ! c’est pour te faire chercher :
Tu parais dur comme un rocher
A cette âme toute éperdue.

Tu ne fus jamais plus près d’elle,
Que quand tu parais t’éloigner :
Tu te caches pour la soigner,
Afin de la trouver fidèle.

Ce qu’elle a, c’est toi qui le donnes ;
Tu récompenses ses faveurs :
Si tu fais sentir des douleurs,
Quelle douceur les assaisonne !

Tu fais voir comme récompense
Ce qu’on prend pour un châtiment :
Ah ! qu’un tendre et fidèle amant
Prend de plaisir dans la souffrance !