les mots remplacé: Oraison par méditation,
La Gnose : du grec gnôsis : connaissance.
la méditation :
(...)
34. la méditation sans distraction est la plus haute intellection de
l'intelligence.
35. la méditation est une ascension de l'intelligence vers Dieu.
36. Si tu ambitionnes la méditation, renonce à tout pour obtenir le
tout.
(...)
38. Cherche uniquement dans ta méditation la justice et le règne, c'est-à-dire
la vertu et la gnose, et tout le reste te sera ajouté.
(...)
52. L'état de méditation c'est un habitus impassible qui, par un amour
suprême, ravit sur les cimes intellectuelles l'intelligence éprise de sagesse
et spirituelle.
(...)
57. Même si l'intelligence s'élève au-dessus de la contemplation de la nature
corporelle, elle n'a pas encore la vue parfaite du lieu de Dieu, car elle
peut en être à la science des intelligibles et partager leur multiplicité.
(...)
59. Celui qui prie en esprit et en vérité ne tire plus des créatures les louanges
qu'il donne au Créateur, mais c'est de Dieu même qu'il loue Dieu.
60. Si tu es théologien, tu prieras vraiment, et si tu pries vraiment, tu
es théologien.
61. Lorsque ton intelligence, dans un ardent amour pour Dieu, se met peu à
peu à sortir pour ainsi dire de la chair, et qu'elle rejette toutes les pensées
qui viennent des sens ou de la mémoire ou du tempérament, se remplissant en
même temps de respect et de joie, alors tu peux t'estimer proche des confins
de la méditation.
62. Le Saint-Esprit, compatissant à notre faiblesse, nous visite même non
encore purifiés, pourvu seulement qu'il trouve notre intelligence priant avec
le désir de la méditation véritable, il survient en elle et dissipe
toute la phalange des raisonnements et des pensées qui l'assiègent et la porte
à l'amour (ou aux oeuvres) de la méditation spirituelle.
63. Tandis que les autres se servent des altérations du corps pour donner
à l'intelligence des raisonnements ou des concepts ou des réflexions, lui,
le Seigneur, fait le contraire : il survient directement à l'intelligence
pour y mettre la gnose; et par l'intelligence il apaise le déséquilibre du
corps.
(...)
66. Ne te figure pas la diversité en toi quand tu pries, ni ne laisse ton
intelligence subir l'impression d'aucune forme, mais va immatériel à l'immatériel,
et tu comprendras.
(...)
69. Tiens-toi sur tes gardes, en préservant ton intellect de tous les concepts
au temps de la méditation, pour qu'il soit ferme dans latranquillitéqui
lui est propre; alors Celui qui qui compatit aux ignorants viendra sur toi
aussi, et tu recevras un don de méditation très glorieux.
70. Tu ne saurais avoir la méditation pure, si tu es embarrassé de
chose matérielle et agité de soucis continuels, car la méditation est
suppression de pensées.
(...)
72. Une fois que l'intelligence est parvenue à la méditation
pure et véritable, les démons ne viennent plus à elle par la gauche, mais
par la droite. Ils lui représentent une vision illusoire de Dieu en quelque
figure agréable aux sens, de manière à lui faire croire qu'elle a obtenu parfaitement
le but de la prière. Or, cela, disait un admirable gnostique, est l'oeuvre
de la passion de vaine gloire et d'un démon dont les touches font palpiter
les veines du cerveau.
(...)
74. L'Ange de Dieu survenant expulse d'un seul mot de notre intérieur toute
l'action adverse, et ramène la lumière de l'intellect à une activité sans
déviation.
(...)
86. La gnose est excellente, car elle est collaboratrice de la méditation
en éveillant la puissance intellectuelle de l'intelligence à la contemplation
de la gnose divine.
(...)
101. Comme le pain est nourriture pour le corps, ainsi que la vertu l'est
pour l'âme, et la méditation spirituelle pour l'intelligence.
(...)
113. Le moine devient l'égal des Anges par la véritable méditation.
114. Aspirant à voir la face du Père qui est aux cieux, ne cherche pour rien
au monde à percevoir une forme ou une figure au temps de la méditation.
(...)
116. L'origine des illusions de l'intellect, c'est la vaine gloire, c'est
celle-ci qui pousse l'intellect à essayer de circonscrire la divinité dans
des figures et dans des formes.
117. Traduisons d'abord d'après le texte de la Patrologue Grecque : Je dirais
ma pensée, que je dis (que j'ai dite) même aux jeunes : Heureux l'intellect
qui, au temps de la méditation, s'est acquis une parfaite indétermination.
118. Bienheureux l'intellect qui dans une méditation sans distraction
acquiert toujours de nouveaux accroissements d'amour pour Dieu.
119. Bienheureux l'intellect qui, au temps de la méditation, devient
immatériel et dénué de tout.
120 Bienheureux est l'intellect qui, au temps de la méditation, a obtenu
une parfaite insensibilité.
(...)
123. Bienheureux le moine qui tient tous les hommes pour Dieu, après Dieu.
124. Moine est celui qui est séparé de tout et uni à tous.
125. Est moine celui qui s'estime un avec tous, par l'habitude de se voir
lui-même en chacun.
(...)
146. De même qu'il ne sert de rien à qui souffre d'une maladie des yeux de
fixer sans voile et avec insistance le soleil en plein midi, quand il est
en son plus fort embrasement, de même ne servirait-il absolument de rien à
l'intellect passionné et impur de contrefaire la redoutable et suréminente
méditation en esprit et en vérité, mais bien au contraire exciterait-il
contre lui-même l'indignation de la divinité.
(...)
149. L'attention en quête de la méditation trouvera la méditation,
car s'il est quelque chose que suit la méditation, c'est l'attention,
il faut donc s'y appliquer.
(...)
153. Car, c'est, quand tu seras parvenu dans ta méditation au-dessus
de toute autre joie, qu'enfin, en toute vérité, tu auras trouvé la méditation.
(...)
Le Gnostique :
1. Les pratiques comprendront les raisons pratiques, mais les choses gnostiques,
les gnostiques les verront.
2. Le pratique, c'est celui qui a seulement acquis l'impassibilité de la
partie passionnée de son âme.
3. Le gnostique, c'est celui qui joue le rôle du sel pour les impurs et
de la lumière pour les purs.
4. La science qui nous arrive de l'extérieur s’efforcede faire connaitre
les matières par l'intermédiaire des raisons; mais celles qui vient à nous
de la grâce de Dieu présente directement les objets à l'esprit, et, en les
regardant, l'intellect accueille leurs raisons. A la première s'oppose l'erreur,
à la seconde la colère et l'irascibilité.
(...)
22. Il faut que le gnostique ne soit ni sombre, ni d'un abord difficile.
Cela, en effet, est de quelqu'un qui ignore les raisons des êtres; ceci,
de quelqu'un qui ne veut pas "que tous les hommes soient sauvés et parviennent
à la connaissance de la vérité".
23. Il est nécessaire parfois de feindre l'ignorance, parce que ceux qui
interrogent ne sont pas digne d'entendre. Et tu seras véridique, puisque
tu es lié à un corps et que tu n'as pas maintenant la connaissance intégrale
des choses.
24. Garde-toi de dire, en vue du gain ou du bien-être ou pour une gloire
passagère, quelque chose de ce qui ne doit pas être révélé, de peur que
tu ne sois rejeté hors de l'enceinte sacrée, comme vendant, toi aussi, dans
le Temple, les petits de la colombe.
(...)
27. Ne parle pas de Dieu inconsidérément et ne définis jamais la Divinité.
Les définitions, en effet, sont propre aux êtres créés et composés.
(...)
33. A son insu, celui qui guérit les hommes à cause du Seigneur se soigne
également lui-même, car le remède qu'applique le gnostique guérit son prochain
autant qu'il est possible, mais lui-même nécessairement.
(...)
41. Toute proposition a comme prédicat ou un genre, ou une différence, ou
une espèce, ou une propriété, ou un accident, ou ce qui est composé de ces
choses, mais, au sujet de la sainte Trinité, rien de ce qui vient d'être
dit n'est admissible. Qu'en silence soit adoré l'ineffable !
42. La tentation du gnostique est une opinion fausse qui présente à l'intellect
ce qui existe comme n'existant pas, ce qui n'existe pas comme existant,
ou encore ce qui existe comme existant autrement qu'il n'est.
43. Le péché du gnostique est la science fausse des objets eux-même ou de
leur contemplation, qui est engendrée par une passion quelconque, ou parce
que ce n'est pas en vue du bien qu'est faite la recherche.
(...)
45. La colonne de la vérité, Basile de Cappadoce, a dit : La science qui
provient des hommes est fortifiée par l'étude et l'exercice assidus, mais
celle qui vient en nous par la grâce de Dieu l'est par la justice, la maîtrisede
la colère et la miséricorde. La première, il est possible de la recevoir,
même pour qui est sujet aux passions, mais la deuxième, seuls les impassibles
en sont capables, eux qui, de plus, à l'heure de la prière, contemplent
la propre lumière de leur intellect qui les illumine.
(...)
49. Le but de la pratique est de purifier l'intellect et de le rendre impassible,
celui de la physique est de révéler la vérité cachée dans tous les êtres,
mais éloigner l'intellect des matières et le tourner vers la Cause première,
c'est là un don de la théologie.
(...)
Évagre (345-399) naquit à Ibora dans le Pont, où son père
était chorévêque. De bonne heure, il entra en relation avec les pères Cappadociens
: il reçut le lectorat des mains de saint Basile et fut ordonné diacre par
saint Grégoire de Nazianze. En 380, Évagre quitte son pays pour n'y plus
revenir et il accompagne Grégoire de Nazianze à Constantinople. Après une
aventure romanesque avec la femme d'un haut fonctionnaire, il s'embarque
pour Jérusalem.
Là, il fut accueilli par Mélanie l'Ancienne et Rufin. En 383, Évagre gagna
l'Égypte, où il s'établit définitivement comme moine. Auprès de ceux qui
furent parmi les plus illustres des « Pères du Désert », il recueillit cette
sagesse pratique, essentiellement empirique, qui se transmettait parmi les
moines, et à laquelle il devait contribuer à donner une forme systématique
et écrite. Aux Kellia, Évagre devint avec Ammonios le chef d'un groupe de
moines, qui furent surnommés « origénistes », en raison de la faveur dont
jouissaient parmi eux les œuvres d'Origène et l'exégèse allégorique. Après
la mort d'Évagre, cette communauté souffrit de la persécution contre les
origénistes, comme aussi les œuvres de leur maître.
Source du texte : Ed.
du Cerf
Bibliographie (en français) :
- Traité pratique ou Le Moine, deux tomes, Ed. du Cerf, 1971
- Scholies au Proverbes, Ed. du Cerf, 1987
- Le Gnostique ou A celui qui est devenu digne de la science, Ed. du Cerf,
1989
- Scholies à l'Ecclésiaste, Ed. du Cerf, 1998
- Sur les pensées, Ed. du Cerf, 1998.
- Chapitre des disciples d'Evagre, Ed. du Cerf, 2007.
- Les Leçons d'un contemplatif, Le Traité de la méditation, traduction
et commentaires de L. Hausherr, Ed. Beauchesn, 1960.
Etudes :
Antoine Guillaumont, Un philosophe au désert, Evagre le Pontique, Ed. Vrin,
2004
Gabriel Bunge, La doctrine d'Evagre le Pontique sur l'Acédie, Ed. Abnaye
de Bellefontaine, 1997
Jean-Yves Leloup, Praxis et Gnosis d'Evagre le Pontique, Ed. Albin Michel,
1992.